Ça caille

Ça caille 


Le froid polaire a envahi la planète golf française.
Les réseaux sont formels, à grand coup de photos de parcours enneigés, les moufles sont annoncées.
Pourtant, comme chaque année , les fêtes passées, on avait dans le viseur , les fairways reverdis et les jours qui rallongent. C’était vite oublié, qu’au rythme des saisons , la raison de l’homme n’y peut rien , et que même si ,« on n’a plus d’hiver » est de mise , janvier n’est jamais vraiment une terre promise . Pas un temps à mettre un golfeur dehors .
Et pourtant , le golfeur a la peau dure et la passion tenace.
Coûte que coûte , il ira braver la bise.
Il a tout prévu , la première peau technique, les multicouches suivantes, la chaussure, fourrée et pour finir la dernière doudoune golf inesis manches libres.
Le bonnet vissé au front , le buff sur la moustache , l’hiver n’aura pas raison de bonnes résolutions.
Les séances d’entraînement d’hiver sont les scores du printemps .
Un gant à chaque main ( au secours) , la séance de practice peut commencer .
Chaque balle pèse une pierre, le tapis est une dame de béton , mon shaft en regular du X ressenti.
Mais ce n’est rien, par rapport à la liberté de mouvement, un bibendum Michelin essayant de se mouvoir.
Un bout de bois , pas un gramme de dissociation, pas un degré de rotation et encore moins d’amplitude.
Le golfeur , est attaché , contraint, puni.
Il faut toujours,essayer de faire swinguer ce club, faire voler cette balle , mais sans aucun moyen pour le faire .
La frustration guète, le juron rôde , l’abattement approche .
Rien de bon , de ce passage au supplice, tellement désiré.
Allez …. Rien de grave, le parcours est ouvert, ça ira mieux en jouant .
Le cœur à nouveau plein d’espoir , le golfeur prend la direction du 1, la chaussette déjà humide , mais le cœur gros et l’envie revenue.
Attention , à la première pente , au premier bout de rough, l’attelage golfeur/ chariot peut se retrouver à terre en moins de deux.
Ça glisse , c’est Holiday on ice, dès que le sol n’est plus plat.
Les premières balles sont jouées.
Enfin!!!!
Alors commence , la symphonie du golf en hiver , jouer, gratter, jouer, égarer , chercher , et surtout, essuyer.
La balle prend la couleur des sols, aussi sûrement qu’elle s’y enfonce , la serviette de sac , se tache irrémédiablement.
Le bas de tenue de pluie se crotte , la cuisse s’immacule , les mains glissent.
C’est jouer en faisant son petit ménage permanent.
La balle n’avance pas , l’air est si froid , le sol si mou.
Les drive sont ridicules, les coups de fer faméliques et le petit jeu ressemble à du jardinage un jour de boutures.
Les putts sautent, freinent, refusant le trou qui se propose.
Alors les scores s’affolent , bogey , double bogey sont légions, quand la règle est encore respectée et qu’on n’a pas encore décidé de « jouer sans compter ».

Ça caille et c’est pas le kif.
Alors le SMS arrive , un bon copain du sud , un ami, enfin on le pensait encore il y a quelques minutes.
Les mots fusent , toujours les mêmes, photo bleu d’azur à l’appui
« Ici, 23 degrés , on a joué en polo tout l’après-midi »
C’est décidé , vous allez enlever de votre répertoire, tous ces faux copains du sud qui se croient malins en étalant leur bonheur golfique au nez rouge de leurs potes parisiens.
Ce n’est pas juste cette histoire.
La photo suivante arrive, « une petite bière en terrasse; en pensant à toi »
Vous, vous êtes surtout préoccupés par , boire un grog pour éviter la bronchite , mettre vos mains sur le poêle pour qu’elles retrouvent leur couleur d’origine , passer le chariot au kärcher et enlever les tonnes de boues, rentrer dans la voiture sans tacher les sièges et rentrer chez vous avant la neige .
Ce n’est pas juste , je vous dis.
Pourtant, vous en aurez des choses à raconter , ce côté expérience de survie , sport extrême , cryothérapie festive .
Rien de bon au bout du compte mais le sentiment du devoir , bien fait .
C’est sur, grâce mon travail d’hiver je créerai les scores du printemps …..
Votre plan est clair et vous allez le tenir .
Le week-end prochain, il sera temps de remettre le couvert, d’ailleurs c’est la galette du club, immanquable.
Il y aura aussi l’entraînement d’équipe , par -4 , si important pour être performant en juin 🤣🤣🤣.
La blague va durer, encore quelques semaines , voir quelques mois , si la chance ou le réchauffement climatique ne s’intéresse pas à votre bout de forêt .
On ira encore au bout de cet hiver sans fin , encore une fois , le golf au cœur , pestant contre le sort en attendant « impatiemment » les jours meilleurs .
Et dans un coin de la tête , un vœu, un rêve, une quête ….
«  L’année prochaine , on s’installe dans le sud »

A ma famille d’accueil sans qui tout ça ne serait pas possible